LE JOUR "J"

Dès le matin, les comportes sont déposées dans le centre du village et remplies d'une lie de vin gluante, à l'odeur répugnante. Il commence à régner dans les rues du village, une agitation sans commune mesure, des fanfares se font entendrent et tandis que les uns finissent l'apéro dans les bars en effervescences, les autres, commerçants et habitants, protègent leurs façades ou devantures, à l'aide de grandes bâches en plastique.

Après le déjeuner, à partir de 13 heures, on commence à s'habiller sur l'esplanade. On boit déjà beaucoup, la population arrive, ainsi que les badauds. Pour eux c'est encore le moment où ils ne risquent pas grand chose. Pendant ce temps, en périphérie du village, se met en place la Gendarmerie, stationnée aux axes principaux, pour prévenir les automobilistes du risque encouru, si une traversée du village doit se faire.   
 

A partir de 14h30, Pailhasses et Blancs se réunissent et défilent dans les rues du village, accompagnés de la fanfare locale: "Le Réveil Cournonterralais" 

 

Il est presque l'heure, une ronde se forme entre Pailhasses et Blancs, et à 15heures sonnantes , un roulement de tambour se fait entendre comme pour sonner la charge. Les spectateurs prennent la poudre d'escampette, et les Blancs fuient au hasard des rues. 

Les anciens déversent alors, au centre de la place , les comportes de lie, et avec des hurlements hystériques, les Pailhasses  se jettent dans la flaque, plongent dans les baquets encore pleins et s'élancent à la poursuite des Blancs, dans une course déchaînée qui n'épargne personne. Tant pis pour le badaud ou le passant égaré, pour trois heures, le village leur appartient ...

Au fil des heures, les Blancs sont peu à peu ramenés sur la place du village, où une épaisse couche de lie les attends, et les voilà roulés, plongés dans les comportes, fardés de ce liquide poisseux, qui ruisselle sur le corps, les cheveux, le visage, et parfois, emplit la bouche. Pourtant, après avoir subi le baptême carnavalesque, la plupart des victimes donneront aux satyres  bourreaux le baiser de réconciliation.

Dans les rues, des chariots de bouteilles circulent, quelques familles ouvrent leurs devant de portes pour offrir"la Cartagène" (vin blanc et doux que l'on boit entre autres à l'occasion du carnaval) et aussi manger "les escalettes" sorte de gaufres cuisinées exceptionnellement pour l'occasion.

                                       
Comme les blancs, les filles n'ont d'autres recours que la fuite. Et elle fuient, avec des cris aigus, des rires hystériques, des gloussements de peur. Mais les belles, saisies par les bêtes, hurlant de peur, sont empoignées, jetées à terre, pour recevoir sur la tête et le corps, les ruissellements de lie... 
Et puis enfin, il est presque 18h00, Pailhasses, Blancs et tout ceux qui ont eu le courage de participer, se rassemblent sur la place pour faire une dernière ronde jusqu'aux 6 coups fatidiques. Tout le monde est là, debout ou titubant , ivre de vin, d'excitation ou de fatigue , pas un seul Pailhasse n'attaquera plus personne, ne tentera plus le moindre geste sur quiconque. C'est fini, la bataille n'était qu'un jeu. Les maisons s'ouvrent, les gens ressortent, il ne leur sera plus rien fait.

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